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Faute du commissaire aux comptes

Une société anonyme révoque son dirigeant pour un déficit résultant de malversations de ce dernier.

Ce dernier avait augmenté sensiblement sa rémunération sans vote préalable du conseil d’administration, deux années de suite. Le commissaire aux comptes a certifié les comptes sans relever cette anomalie, et la société l’a ensuite assigné en responsabilité pour faute, lorsqu’elle s’en est aperçu.

Celui-ci s’en défendu en faisant valoir qu’étant tenu à une simple obligation de moyen, il ne pouvait garantir un résultat.

I. EN DROIT

Le commissaire aux comptes (CAC) exerce une profession libérale réglementée, dont la mission consiste à certifier la conformité de l’ensemble des données financières avec les normes en vigueur. Il effectue un audit légal des données financières de l’entreprise, et des comptes. Il s’agit notamment de s’assurer qu’ils sont sincères et transparents. Pour ce faire, le CAC doit procéder à un audit par sondages dont l’objet est : • Le contrôle de la régularité des écritures comptables ; • La vérification détaillée des documents justificatifs enregistrés. Le CAC est donc chargé de certifier la régularité des comptes, et tenu à cet égard d’une obligation de moyen qui l’oblige à effectuer toutes les diligences nécessaires, sans être tenu de garantir un résultat. En cas de fraudes avérées, ou de toute autre irrégularité, le commissaire aux comptes dispose d’un droit d’alerte qui lui permet d’en informer les autorités. Il est également habilité à donner tout avis sur les comptes.

Le commissaire aux comptes (CAC) intervient obligatoirement pour les SA. Pour les SNC, les SAS ou les SARL, cela dépend du chiffre d’affaires ou du nombre de salariés.

II. EN FAIT

La cour de cassation a rendu un arrêt important, en considérant que le quantum très substantiel de l’augmentation de la rémunération du dirigeant devait nécessairement conduire le commissaire aux comptes à vérifier sa régularité, ce qu’il n’a pas fait.

Il est donc en faute pour avoir été négligent dans les moyens qu’il était tenu de mettre en œuvre, et condamné à ce titre à réparer le préjudice causé à la société. La cour de cassation rejette en effet le pourvoi du CAC pour les motifs suivants :

« 8. Ayant exactement rappelé que le conseil d’administration d’une société anonyme n’a pas le pouvoir de ratifier la décision du président qui, sans avoir préalablement obtenu une décision du conseil, s’est alloué une augmentation de sa rémunération, l’arrêt constate qu’aucune décision du conseil d’administration n’est venue déterminer l’augmentation de rémunération de M. B... à compter du 1er avril 2009. Il relève ensuite que le quantum de cette augmentation, qualifié de très substantiel, aurait nécessairement dû conduire la société FCN à effectuer des vérifications plus approfondies, cependant que la rémunération du dirigeant avait déjà été augmentée, certes dans des proportions moindres, au cours des exercices précédents, mais toujours sans aucune décision du conseil d’administration. Il retient enfin qu’en dépit de ces circonstances, qui auraient dû aiguiser la vigilance du commissaire aux comptes pour l’exercice suivant, celui-ci n’a accompli aucune démarche pour se faire communiquer le procès-verbal du conseil d’administration du 1er avril 2010 fixant la rémunération de M. B... pour l’exercice en cours 2010/2011 ou, à tout le moins, pour vérifier la rémunération du dirigeant social au cours de cet exercice.

9. En l’état de ces énonciations et constatations souveraines, c’est sans avoir mis à la charge du commissaire aux comptes un devoir de contrôle permanent des comptes ni omis de prendre en considération le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration du 1er avril 2010, que la cour d’appel a retenu que la société FCN avait manqué à son obligation légale de vérification de la sincérité de la rémunération du dirigeant social et commis une négligence fautive, d’un côté, en n’interpellant pas les organes compétents de la société, au cours de l’exercice du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, et en ne formulant aucune observation ou réserve lors de la certification des comptes de cet exercice et, de l’autre, pour l’exercice suivant, en ne veillant pas suffisamment à s’assurer de la sincérité de l’information relative à la rémunération du dirigeant social et en restant inerte dans l’attente de devoir procéder au seul contrôle sur place des pièces comptables, une fois l’exercice achevé. »

Il s’agit donc d’une décision importante qui confirme un devoir de vérification qui confine à l’obligation de résultat pour toute donnée comptable dont l’incidence financière fluctue dans des proportions très importantes, en l’espèce il s’agissait de deux exercices successifs, un premier avec une augmentation de rémunération modérée sans vote du conseil d’administration, puis un second avec une très forte augmentation de nouveau sans vote du conseil d’administration, le tout sans aucune vérification du CAC qui avait certifié les comptes sans réserves.

C’est une jurisprudence protectrice des sociétés qu’il convient de saluer, d’autant que cet arrêt a été publié au bulletin des arrêts de la cour de cassation, ce qui lui donne une valeur renforcée valant doctrine de la haute juridiction.

Toute donnée comptable anormale par sa forte augmentation, ou sa nature même, doit amener le CAC à effectuer des vérifications, ou certifier avec réserve, à défaut il est en faute.

Dans ce cas, la société peut lui demander de réparer le préjudice subis.

Notre cabinet intervient régulièrement dans les ressorts de DIJON, BESANÇON, CHALON-SUR-SAÔNE, LONS-LE-SAUNIER, CHAUMONT, mais est également compétent sur l’ensemble du territoire national.

Jean-Christophe BONFILS Avocat AVOCAT Dijon Voyez notre rubrique DROIT DES AFFAIRES, DROIT COMMERCIAL

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