En 2014, les pouvoirs publics ont mis en place le « différé d’indemnisation » de POLE EMPLOI permettant à cet organisme de déduire des droits à l’assurance chômage toutes les sommes perçues par le salarié après la rupture : indemnités de ruptures, congés payés, dommages et intérêts.
Le Conseil d’Etat a toutefois censuré le différé d’indemnisation dans cette version de 2014 :
CE, 5 octobre 2015, association des amis des intermittents et précaires et autres, n°383956, 383957, 383958 : « qu’en revanche, en prenant en compte l’intégralité de ces indemnités pour le calcul du différé d’indemnisation des salariés licenciés alors qu’ils comptaient moins de deux ans d’ancienneté ou qu’ils étaient employés par une entreprise comptant moins de onze salariés, elles ont adopté des stipulations aboutissant à ce que certains salariés victimes d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puissent être privés de l’intégralité des sommes destinées à assurer la réparation du préjudice qui en résulte ; qu’elles ont ainsi porté atteinte au droit de ces salariés d’en obtenir réparation ; qu’il suit de là, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens dirigés contre elles, que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 21 du règlement général sont entachées d’illégalité ; »
À l’époque le différé d’indemnisation avait été censuré pour viser toutes les sommes versées à l’occasion de la rupture, sans exonération, indemnité légale de licenciement et indemnisation d’une rupture sans cause réelle et sérieuse comprises. Le législateur a corrigé cette lacune sans renoncer au principe du différé d’indemnisation, puisque désormais sous réserve de l’exonération des indemnités légales de licenciement (et non la fraction qui excède), des congés payés, pour la moitié des dommages et intérêts réparateurs d‘une rupture sans cause, le surplus des sommes fait toujours l’objet d’un différé d’indemnisation. Il y aura très souvent des sommes excédentaires en cas de transaction avec l’employeur. Obtenues postérieurement à l’ouverture des droits à l’assurance chômage, POLE EMPLOI peut demander la restitution des sommes payées indument. Un mécanisme qu’il faut avoir bien à l’esprit lorsque l’on signe une transaction avec son employeur : les sommes feront l’objet d’un traitement fiscal, social ET d’un différé d’indemnisation auprès de POLE EMPLOI.
La réforme issue des Ordonnances dites MACRON du 22 septembre 2017 permet de bénéficier d’une exonération plus importante, en faisant homologuer la transaction par le bureau de conciliation des prud’hommes.
L’indemnité de rupture issue du barème forfaitaire mis en place sera en effet totalement exonérée, et celle-ci est supérieure à l’indemnité légale de licenciement (C. trav., art. D. 1235-21)
Il faut se féliciter de cette réforme qui va dans le sens de la recherche des transactions voulue pour les pouvoirs publics, que le mécanisme du différé d’indemnisation auprès de POLE EMPLOI dissuade de façon contradictoire en matière prud’homale.
JEAN-CHRISTOPHE BONFILS
AVOCAT Dijon
Voir aussi : Droit du Travail