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116. Droits des gérants mandataires non salariés
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Droits des gérants mandataires non salariés

Notre cabinet est saisi par une gérante mandataire non salariée à la suite de son licenciement économique, afin de faire juger celui-ci abusif avec indemnisation du préjudice, outre le paiement des heures supplémentaires effectuées sur la période non couverte par la prescription (3 ans).

Droit des gerants mandataires non salaries

I. EN DROIT

Le statut des gérants non-salariés a été créé par un décret-loi du 3 juillet 1944 signé par Pierre LAVAL resté en vigueur, ayant modifié une loi fondatrice de VICHY du 21 mars 1941, portant création d’un statut dérogatoire pour les gérants non-salariés de maisons à succursales multiples.

Il est codifié aux articles L 7321-1 et suivants du code du travail pour le domaine non-alimentaire, et L 7322-1 et suivants du code du travail pour les supérettes alimentaires.

La société X recourt à ce statut pour l’exploitation de son réseau de magasins de vente de textile d’habilement de type « jeanerie ».

L’article L.7321-2 du Code du Travail dispose : "Est gérant de succursale toute personne dont la profession consiste essentiellement soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions ou prix imposés par cette entreprise",

Il en ressort que le contrat de gérance de succursale se définit par trois critères :

  • vente de marchandises appartenant et fournies par une seule entreprise.
  • dans un local fourni ou agréé par cette entreprise.
  • à des prix imposés par cette dernière.

Même si le contrat ne vise pas ce statut, dès lors que les conditions sont réunies, il est applicable.

Ces gérants sont rémunérés par une commission sur les ventes et ne sont pas salariés, tout en bénéficiant par une extension légale de certains avantages du salariat s’ils restent libres de leur gestion, ou de l’ensemble des avantages du salariat (y compris le paiement des heures supplémentaires) si la société fixe leurs conditions de travail, à l’article L 7321-3 du code du travail :

« Le chef d’entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n’est responsable de l’application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s’il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord.

Dans le cas contraire, ces gérants sont assimilés à des chefs d’établissement. Leur sont applicables, dans la mesure où elles s’appliquent aux chefs d’établissement, directeurs ou gérants salariés, les dispositions relatives :

  • 1° Aux relations individuelles de travail prévues à la première partie ;
  • 2° A la négociation collective et aux conventions et accords collectifs de travail prévues au livre II de la deuxième partie ;
  • 3° A la durée du travail, aux repos et aux congés prévus au livre Ier de la troisième partie ;
  • 4° Aux salaires prévus au livre II de la troisième partie ;
  • 5° A la santé et à la sécurité au travail prévues à la quatrième partie.  »

Les sociétés ont tendance à imposer de nombreuses contraintes de gestion, tout en prétendant que les gérants restent libres de leur gestion pour ne pas régler les heures supplémentaires.

II. EN FAIT

La gérante critiquait la cause économique de son licenciement car la société n’avait pas effectué de bonne foi toutes les recherches pour la reclasser, en soutenant que la rupture devait s’analyser comme en matière de salariat. Elle demandait également le paiement des heures supplémentaires sur les 3 années non-prescrites, au motif que la société lui avait imposé de nombreuses contraintes de gestion.

Le conseil des prud’hommes a rejeté l’ensemble des demandes en considérant que les gérants ne bénéficient pas des mêmes droits que les salariés. Nous avons interjeté appel.

La COUR D’APPEL D’AMIENS nous a donné entièrement raison, en jugeant que :

  • Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, au motif que la société n’a pas effectué toutes les démarches utiles pour tenter de la reclasser. Elle précise que l’analyse se fait comme en matière de salariat, et condamne la société à indemniser le préjudice subi.
  • La société doit payer les heures supplémentaires majorées, et le repos compensateur non pris, dès lors qu’elle a « imposé ou soumis à son accord les conditions de travail » au travers de multiples directives et consignes touchant aux conditions de gestion, et de travail.
  • Elle condamne également la société à payer une somme complémentaire pour manquement à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi (modicité des revenus payés inférieurs au SMIC, avoir imposé des missions périlleuses de recouvrement des chèques impayés).

Il s’agit donc d’une décision très importante qui confirme l’application des règles du salariat, et vient consolider les droits que les gérants non salariés sont fondés à revendiquer, que nous pourrons utiliser devant les tribunaux de nos ressorts habituels de DIJON, BESANÇON, CHALON-SUR-SAÔNE, LONS-LE-SAUNIER, CHAUMONT.

Jean-Christophe BONFILS Avocat

AVOCAT Dijon

Voyez notre rubrique DROIT DU TRAVAIL,

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